5 idées reçues sur le sommeil
« Le sommeil de début de nuit compte double », « L’insomnie est signe d’anxiété », « La nuit est faite pour dormir »… On ne compte plus les idées toutes faites qui circulent sur le sommeil. Mais relèvent-elles toutes de croyances non fondées ? Le professeur Michel Billiard, spécialiste du sommeil et de ses troubles, démêle le vrai du faux.
Le sommeil de début de nuit compte double
Michel Billiard : « Vrai ! La profondeur ou l’intensité du sommeil est plus grande en début qu’en fin de nuit. D’où la conclusion que le sommeil des trois ou quatre premières heures de la nuit serait plus important.
Il n’en reste pas moins que l’on doit dormir 7 ou 8 heures en tout, quotidiennement. Des études l’ont montré : le sommeil de deuxième partie de nuit – même s’il est moins intense – n’est pas inutile. »
L’insomnie est signe d’anxiété
Michel Billard : « Pas nécessairement ! Il y a autant de formes d’insomnie que d’individus : les gens ne dorment pas ou dorment mal à cause de facteurs extrêmement variables. Il est vrai que l’anxiété est un phénomène que l’on retrouve fréquemment chez les insomniaques. Mais l’on n’est pas nécessairement anxieux quand on souffre d’insomnie.
Par exemple, on sait que 10 % des insomniaques sont des gens qui présentent des troubles de la respiration pendant le sommeil, sans aucune anxiété. D’autres connaissent des mouvements des membres inférieurs pendant le sommeil. Qu’ils les réveillent ou pas, ces mouvements perturbent leurs nuits, également sans aucune anxiété.
Donc oui, l’anxiété reste un facteur important de l’insomnie mais il est loin d’être le seul. Cela implique une conséquence directe : les anxiolytiques ne peuvent pas être considérés comme le seul traitement de l’insomnie. »
Compter les moutons permet de trouver le sommeil
Michel Billard : Bien évidemment, je suis parti de cette idée reçue parce qu’elle est amusante. Mais elle a aussi le mérite d’attirer l’attention sur les traitements de l’insomnie.
Pour schématiser, le traitement le plus répandu est pharmacologique : aujourd’hui, 95% des personnes qui se plaignent d’insomnie prennent des somnifères. Car en France, comme malheureusement beaucoup en Occident, on accorde une importance extrême aux médicaments.
Seuls 5% sont traités par des solutions non-médicamenteuses. Comment ? Notamment par ce que l’on appelle l’hygiène du sommeil, qui consiste à donner au patient des règles simples. Première d’entre elles : plus de café le soir ! Il en va de même pour l’alcool, car quand on boit de l’alcool le soir, on s’endort beaucoup plus vite mais malheureusement, on se réveille également plus vite. Et en mauvaise forme de surcroît ! Troisième conseil : éviter le football à minuit, sinon vous ne pourrez pas vous endormir avant 3 ou 4 heures du matin car vous serez trop excité.
D’autres traitements font appel aux thérapies cognitivo-comportementales, qui permettent à la personne qui souffre d’insomnie d’apprendre des comportements et des idées qui vont l’aider à retrouver le sommeil. L’un des plus importants, par exemple, concerne l’habitude qu’ont souvent les insomniaques de rester au lit le matin, dès qu’ils le peuvent, pour essayer de récupérer le sommeil qu’ils n’ont pas eu pendant la nuit. C’est exactement l’inverse qu’il faudrait faire : en allongeant la période passée au lit, les gens ont plus de difficultés à trouver le sommeil le soir. On leur propose alors la méthode de la restriction du temps au lit : au lieu de se coucher à 21h et de se lever à 8 heures du matin, on leur conseille de se coucher à minuit et de se lever à 6h du matin. Résultat : moins de temps au lit mais à l’intérieur de ces 6 heures, un sommeil bien meilleur.
Les ronfleurs ont un sommeil profond
Les ronfleurs ont un sommeil profond
Michel Billard : Pas forcément, au contraire ! Car certains ronfleurs souffrent d’apnées au cours de leur sommeil. Non seulement ils ronflent, mais ils s’arrêtent de respirer de façon périodique. Parfois 200 fois, 300 fois, 400 fois pendant une nuit ! A chaque fois, cela cause un petit étouffement qui réveille la personne… 200 fois, 300 fois, 400 fois dans la nuit. Elle ne s’en aperçoit pas forcément à chaque fois, mais son sommeil sera interrompu, segmenté.
Bien sûr, le ronflement peut être bénin, du moins au début, mais il faut toujours se méfier et vérifier qu’il n’y a pas, derrière, de troubles de la respiration. Un généraliste est tout à fait capable de s’en apercevoir car ces arrêts respiratoire en dormant s’accompagnent d’autres signes. Le diagnostic est facile à poser.
La nuit est faite pour dormir
Michel Billard : C’est exact, nous sommes mis au monde pour être éveillés le jour et dormir la nuit. Mais dans la vie moderne, parce qu’il faut faire fonctionner de nombreux services – médicaux, de police, de pompiers, etc… - 15 à 20% de la population travaillent selon des horaires qui empiètent sur leur sommeil. Or il n’est pas naturel de travailler à 3h du matin ! Certaines personnes s’y adaptent bien, d’autres ont plus de difficultés et ne parviendront pas toujours à dormir normalement.
La raison ? Le sommeil de jour n’est plus organisé comme il devrait l’être. Soit ces personnes connaissent des difficultés pour s’endormir, soit elles se réveillent trop tôt. Par exemple, un homme qui travaille de 21h à 5-6h du matin dormira seulement 4 ou 5 heures pendant la journée, au lieu de dormir 8 heures quotidiennement. Soit 2 à 3 heures de moins que quelqu’un qui travaille le jour. Il ne dormira pas moins parce qu’il y a du bruit dans l’immeuble ou parce que la lumière du jour filtre dans sa chambre, mais simplement parce que nous ne sommes pas faits pour dormir le jour aussi longtemps que quelqu’un qui dormirait la nuit.