Enfermé dans un rôle ? Acceptez de changer !
Comment chacun se retrouve-t-il enfermé dans un rôle (la gentille fille, le caïd, l’intello…) ? Pourquoi est-il si difficile d’en sortir ?
Les réponses de la psychothérapeute Sarah Serievic, et ses conseils pratiques pour modifier ces scénarios restrictifs.
Dans un contexte ludique, les jeux de rôle sont captivants. Dans le cadre d’une thérapie, ils sont a priori bénéfiques. Hormis ces deux situations, ils réduisent la personnalité, et emprisonnent les émotions et les sentiments. Car « endosser un rôle ou coller à une étiquette sont des mécanismes de défense, affirme la psychothérapeute Sarah Serievic. Il s’agit de se conformer à l’attente des autres, afin de se protéger, de recevoir de l’attention et de l’amour. Le problème, c’est que l’enfant, pour se faire aimer, enfile un costume qui, au fil du temps, va devenir une seconde peau, comme un personnage que l’on prend pour une réalité intérieure ».
Dans une famille, on n’est pas par hasard le bon garçon, le clown ou le caïd. Ces étiquettes ont une fonction : nous faire jouer une partition qui « arrange la mise en scène familiale, explique Sarah Serievic. Ce sont des projections, des répétitions, des réparations. En sortir met en péril l’équilibre du système ». C’est pour cela que non seulement les jeux de rôle perdurent en famille, mais qu’ils sont prolongés dans le temps par d’autres jeux relationnels, dans la sphère amicale, affective ou professionnelle. Problème : nous n’avons pas suffisamment de recul pour voir que ces projections sont souvent réductrices, abusives, voire mensongères. « Ce qui fait notre singularité est donc d’une certaine façon truqué, et loin d’aller de soi », commente la psychothérapeute. Mais, heureusement, il n’y a aucune fatalité. Nul n’est condamné à vivre avec un « faux moi » indéfiniment. « La fatigue chronique, la répétition de rencontres malheureuses, la colère ou le manque d’estime de soi indiquent que notre être profond désire ardemment être libéré de sa prison », assure Sarah Serievic. C’est pour nous aider dans cette échappée qu’elle propose les quatre exercices suivants.
Identifiez le rôle enfermant ou l’étiquette réductrice
Nous n’avons pas toujours conscience d’être prisonnier d’un rôle (l’enfant soignant de sa famille) ou de nous conformer à une étiquette (la rigolote ou l’intello de service). D’abord parce qu’il est difficile de se décentrer pour s’observer de l’extérieur. Ensuite parce que, au fil du temps, rôles et étiquettes finissent par devenir une partie de notre identité, de notre personnalité. Comment gagner en lucidité et en connaissance de soi ?
Notez ce qui vous dérange ou vous séduit chez les autres – proches, collègues… – de manière récurrente et prononcée (on peut, par exemple, admirer une personne brillante si l’on était le cancre de la famille, ou un extraverti si l’on était une petite fille modèle). Puis considérez ces caractéristiques comme des comportements que vous ne vous autorisez pas à exprimer : ne pas supporter la colère ou être fasciné par la fantaisie d’autrui s’explique souvent par le fait d’avoir eu à les refouler pour permettre au groupe familial de fonctionner. Ce refoulé constitue l’essence même du rôle enfermant ou de l’étiquette réductrice. Si vous avez des enfants, cherchez le trait de caractère qui les différencie de vous, et qui vous dérange ou vous fascine. Ce trait saillant est probablement celui qui a été étouffé chez vous – et qui a nourri votre rôle ou conditionné votre étiquette – mais que vous avez, plus ou moins consciemment, favorisé chez lui.
Démasquez votre besoin inconscient
Une fois votre rôle ou votre étiquette repérés, listez les avantages et inconvénients qu’ils vous procurent, puis déchiffrez le besoin qu’ils traduisent. Vous êtes le calme de service, incapable de vous mettre en colère ? Il y a de fortes chances pour que le refoulement de votre colère ait été la condition pour ne pas être rejeté. Vous en avez conclu que ne pas faire de vague vous permettait de satisfaire votre besoin (conscient ou inconscient) d’être accepté ou aimé.
Dialoguez avec votre rôle ou votre étiquette
Ce rôle que vous avez endossé, cette étiquette qui vous a été collée ne sont pas qu’un fardeau. Ils sont aussi une ressource. Reprenons l’exemple du bon garçon ou de la gentille petite fille qui n’ont jamais posé de limites aux autres et se sont toujours fait passer derrière eux. S’ils ont du mal à s’affirmer, ils sont en revanche sans doute diplomates, adaptables et discrets. Autant de qualités qui s’avèrent précieuses dans bien des situations.
Pour cet exercice, il s’agira de dialoguer avec votre rôle ou votre étiquette en commençant par reconnaître son utilité. Puis, en fonction des circonstances, vous lui demanderez soit de rester sur scène, soit de se retirer pour permettre à une autre facette de vous de s’exprimer, dans le but de servir au mieux vos intérêts. Cet échange aide à remplacer des comportements problématiques par d’autres, plus constructifs. On cesse ainsi d’être dominé par le rôle dont on a souffert pour mieux profiter de ses bons côtés. Et l’on équilibre mieux les différentes facettes de sa personnalité.
Changez de partition
Il s’agit maintenant de satisfaire le besoin que vous avez identifié en adoptant un comportement plus en phase avec votre nature (par exemple, concernant le caïd : oser exprimer sa partie vulnérable). Pour cela, le moyen le plus efficace et le plus sûr est d’oser progressivement vivre votre dimension authentique (celle qui a été négligée) avec des proches de confiance. Le bon garçon exprimera son désaccord ou posera des limites sur des sujets sur lesquels il avait l’habitude de garder le silence ou d’obtempérer. Le raisonnable s’autorisera à plus de spontanéité ou d’audace, et abandonnera progressivement ses comportements trop routiniers ou trop prudents.